mardi 13 septembre 2016

Pourquoi ? Histoire d’un ange pas si banal.

Cette micro-nouvelle est assez ancienne, je ne me souviens plus de quand je l'ai écrite (ma première quand j'avais repris l'écriture y'a une bonne dizaine d'années), ni de où et quand je l'ai déjà publiée (probablement sur la première version de ce blog, mais comme j'ai effacé tous les articles je ne peux pas en être sûr).

Pourquoi ? Histoire d’un ange pas si banal.


Luc ferma les yeux, ébloui par la lumière qui irradiait, comme venue de nulle part. Il savait qu’il venait de mourir mais ne comprenait pas comment il en avait conscience. D’autant qu’il ne gardait absolument aucun souvenir de sa vie mortelle… si ce n’est les bruits et les odeurs d’une chambre d’hôpital. Même après avoir changé de plan d’existence son cerveau semblait encore embrumé par les tranquillisants. Il tenta de se lever en vacillant et entrouvrit les yeux pour ne voir autour de lui qu’un blanc immaculé à perte de vue rayonnant d’une lumière mystique. Dans un flash il revit son corps flottant dans ce long couloir blanc, les yeux fixés sur la lumière au bout, totalement détaché de toute notion temporelle. Aucun doute ne subsistait et son âme s’emplit de joie ; il était au Paradis.
S’accoutumant à la luminosité il put observer la seule chose visible dans tout ce vide : son propre corps. Malgré son amnésie il était persuadé que ce ne pouvait pas être le corps de sa vie mortelle. Il avait le corps d’un jeune enfant de cinq ans potelé et très pâle. Il était entièrement nu et dénué de sexe. En portant une main à sa tête il découvrit une chevelure abondante, légèrement bouclée.
En relevant le regard, il remarqua des formes se détacher au loin puis se rapprocher pour enfin prendre une forme que Luc put interpréter être un groupe d’ange. Quelques secondes plus tard, ou était-ce quelques siècles, le groupe arriva à sa hauteur. Il était composé de cinq séraphins, ne différant physiquement de lui en aucun point. Tout comme lui ils possédaient des corps jeunes au teint pâle et des cheveux blonds légèrement frisés ; ils possédaient également une paire d’aile battant dans leur dos et Luc réalisa qu’il n’avait pas encore vu ses propres ailes. Il tourna son regard derrière lui, sans résultat ; il tâtonna son dos de la main mais ne put sentir que sa peau et en dessous ses vertèbres. Il s’étonna de ne pas posséder d’ailes et se dit qu’elles pousseraient probablement bientôt. Il reporta son regard vers ses semblables un grand sourire aux lèvres mais remarqua que ceux-ci avaient abandonné leur masque de gaieté et le dévisageaient avec étonnement. Tout heureux d’avoir des interlocuteurs, Luc prononça ses premiers mots dans une langue dont il ignorait tout jusque-là mais qui lui parut naturelle :
— Bonjour, je viens d’arriver, du moins c’est l’impression que j’ai, et vous êtes les premiers autres anges que je rencontre.
Ses interlocuteurs ne lui répondirent pas et s’observèrent avant de commencer à discuter entre eux à voix basses. Luc tendit l’oreille pour essayer d’obtenir des bribes de conversation sans pour autant avoir l’air indiscret :
— […] pas possible qu’il nous accompagne à Eden […]
— […] probablement des pêchers à expier […]
— […] Impossible, pourquoi ne pas accepter des mortels dans ce cas […]
— […] l’Eden doit rester pur […]
Et le groupe de séraphins s’en retourna d’où il venait sans un regard pour Luc. Il essaya de les rattraper mais ses jambes encore frêles ne lui permettaient pas de garder la vitesse des êtres ailés. Il les interpella, espérant se justifier, proclamant que ce n’était qu’une regrettable erreur, mais n’obtenu aucune réaction. Il se résigna finalement au fait qu’il serait probablement à jamais seul, incapable de trouver le chemin d’Eden.
Il marcha tout droit, toujours tout droit, et, à force de réflexion, il savait qu’il était omniscient et possédait les réponses à toutes les questions sur l’univers et la vie. Et il réalisa alors avec désarroi qu’il lui restait l’éternité pour chercher à répondre à la seule question dont il ignorait la réponse : Pourquoi cela m’est-il arrivé à moi ?

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