lundi 22 août 2016

Mort(s) – Préface

Je publie ici à l'occasion du Ray's Day 2016 la préface que j’ai rédigée pour la prochaine anthologie des Artistes Fous « Mort(s) » (à paraître… le plus tôt possible, j’espère). Cette préface est sous licence CC-by-nc-sa jusqu’à la sortie officielle de l’anthologie (moment auquel elle passera en CC-by tout court).
L'anthologie est disponible (15€ pour la version papier, gratuit pour la version ebook sur Le site des Artistes Fous Associés ou à lire en ligne sur la plate-forme wattpad).

Jusqu’à ce que la mort nous réunisse – Préface


Difficile de faire un thème plus universel que la mort, il suffit de voir le succès de notre appel à textes (environ 200 participations) pour comprendre que c’est un sujet qui parle à tout le monde. Toute chose a une fin et la mort est peut-être celle qu’on connaît le mieux et le plus mal. Tout le monde est confronté à la mort pourtant, si l’on met de côté les connaissances biologiques, on ne sait pas vraiment l’appréhender.
Il y a la mort en elle-même bien sûr, le décès qui fascine et terrifie par son caractère définitif. On construit toute sa vie dans la connaissance de sa finitude. Son dénouement pousse à faire les choix qui vont dicter le chemin qu’on suit : vivre sainement et repousser au plus tard l’inéluctable ou vivre vite et mourir jeune comme James Dean. Elle fascine par son inéluctabilité et son imprévisibilité ; ce qui en fait un thème si riche, probablement celui le plus représenté dans les arts ; alimentant tous les fantasmes : Éros n’est jamais loin de Thanatos.
Mort et Vie sont deux faces d’une même pièce. Et quand on parle de la mort dans la culture et l’inconscient collectif on parle aussi de son pendant : l’immortalité. Du Lazare antique au zombie moderne, ceux qui trompent la Faucheuse sont fascinants et effrayants. Car ils sont contre-nature : usurpant l’attribut d’un dieu ou s’affranchissant de la biologie selon les époques et les points de vue ; comme des avatars d’un fantasme tabou.
La Mort, la Vie, mais dans ce thème il y a aussi l’Après-Vie. Le trépas n’est-il qu’une fin ? Bien sûr les religions et certaines philosophies ont la réponse et prétendent que ce n’est pas « 42 » : l’Enfer, le Paradis, le Purgatoire… ou plutôt les Enfers, les Paradis et les Purgatoires ; car dans l’inconscient collectif il y en a une variété incroyable. Sans oublier la réincarnation… et toutes les variations et hybridations de tous ces concepts. L’imaginaire est peuplé de ces univers ouverts à l’exploration. Et nos genres de prédilection dits « de l’imaginaire » ont toujours eu une affinité pour de tels univers ; une forte accointance qui fait de ces thèmes des incontournables.
La mort c’est aussi le deuil : on nous apprend dès la jeunesse à cohabiter avec les vivants, pour les morts il faut apprendre « sur le tas ». Car chaque vie est comme une lumière laissant une trace sur un film photographique ; et quand elle prend fin, elle laisse une ombre. Rares sont ceux qui disparaissent dans une totale indifférence et il y a toujours des gens qui doivent composer avec cette ombre. Alors nos vies et notre imaginaire sont peuplés de fantômes – plus ou moins métaphoriques.

Un seul mot, à la définition sans équivoque, et cependant un thème portant une variété infinie d’histoires possibles. Nous ne sommes pas les premiers et ne seront pas les derniers à proposer une anthologie sur un sujet aussi universel. Mais il nous semblait intéressant de livrer notre vision, comme lors de chacune de nos anthologies, une vision décalée et pourtant sérieuse, une vision « folle » et pourtant pertinente. Bref ce qui a toujours fait les Artistes Fous : un ensemble d’auteurs et d’illustrateurs tellement hétéroclites que l’ensemble est cohérent.
Et dans ce sens, s’attaquer à un tel sujet était presque une obligation. Tous les artistes ont leur mot à dire à son propos. Cette anthologie s’inscrit donc dans la continuité de notre ligne éditoriale d’aborder de grands thèmes classiques de la littérature avec notre propre vision ; en gardant les sujets plus impertinents pour notre collection de contes…
Une continuité qui passe par le retour de fous de la première heure, de fous occasionnels et de nouveaux internés qui nous rejoignent à cette occasion. Un mélange nécessaire entre patrimoine et renouvellement permanent, car comme un organisme vivant c’est en luttant contre l’inertie qu’on évite la mort (rattrapage aux branches, check). Une anthologie sur la mort afin de proclamer que nous restons et resterons vivants.

Vous retrouverez donc dans ces pages tout ce qui fait le sel de ce grand thème, tout ce qui fait le sel des littératures de genre et tout ce qui fait le sel de nos anthologies. Vous y affronterez la mort, implacable et inéluctable (Ne va pas par là, Le mécanisme de la mort du langage) et le fantasme humain d’avoir un contrôle sur sa propre fin ou celle d’autrui (Mammam-IA, Venus Requiem) mais aussi l’immortalité et sa quête folle (Demain sera un autre jour, Die Nachzehrermethode, La dette du psychopompe) et finalement l’aboutissement de tout ça, dans le deuil et les rites mortuaires (Tri Nox Samoni, Le Chemin de la Vallée inondée, Le fils du tyran).
Bien sûr nous ne vous laissons pas en terrain inconnu et vous retrouverez des figures familières et incontournables avec la Grande Faucheuse (Le moine copiste et la Blanche-Face, Oh oui…) et malgré l’absence de zombies classiques vous croiserez des morts-vivants hors normes (Robô, Le temps des moissons) et pléthore de fantômes (Ambre Solis, Les âmes de la foire, Délivre-nous du mal, Le manoir aux urnes).

Comme toute vie, une préface doit avoir une fin. Alors n’épiloguons pas, je vous laisse avec les dix-huit auteurs qui ont su déployer une imagination mortelle pour vous divertir.

Vincent « Vinze » Leclercq,
secrétaire de l’association et co-anthologiste.



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